Les 25 et 26 Septembre 1993, pour la première fois et sous l’impulsion de Jean-Pierre SCHNETZLER (éminent psychiatre et Franc-Maçon) , une série de colloques eurent lieu au Temple Bouddhiste tibétain de Karma Ling en Savoie (dont Jean-Pierre SCHNETZLER fut l’un des fondateurs) sur le thème « Bouddhisme et Franc-Maçonnerie » ; à ces occasions, des pratiquants Bouddhistes et des Francs-Maçons se sont rencontrés et ont pu constater nombre de convergences entre les deux traditions, l’une vieille de 3000 ans, l’autre de 300 ans. Ces colloques et travaux sur trois ans donnèrent lieu en 1997 à l’édition d’un ouvrage édité chez Albin Michel Collection « Question de » sous le titre « Bouddhisme et Franc-Maçonnerie ». De ces rencontres naquit une Association (en langage maçonnique « une Fraternelle » ) réunissant les Francs-Maçons Bouddhistes (étendue par la suite aux Francs-Maçons sympathisants Bouddhistes). Lorsque fut venu le moment de choisir un titre distinctif, leurs fondateurs se souvinrent que chacune de ces traditions possédait dans sa représentation symbolique un végétal : « L’Acacia et le Lotus » était né.
Nombre d’aspirations communes entre les deux voies :
- Un regard tourné vers l’intérieur : introspection et méditation chez les Bouddhistes ; VITRIOL chez les Francs-Maçons
- Claire Lumière ou vision claire (Vipassana ou Satori) chez les Bouddhistes, lumière dévoilée à l’initiation chez les Maçons
- Posture de verticalité silencieuse dans la posture du Bouddha et des pratiquants, fil à plomb et silence de l’apprenti chez les Maçons.
- Des « adversaires » communs : le culte de l’ego, le fanatisme religieux, l’intolérance.
C’est ce travail commencé par d’illustres prédécesseurs que les membres des Compagnons du Dharma et de l’Acacia et du Lotus entendent ici perpétuer.
Les deux végétaux se sont rencontrés :
Le premier, issu de la terre, rameau planté sur le tumulus funéraire d’Hiram le maître bâtisseur, symbole du Maître Maçon avec les qualités inspirantes de son bois d’où surgissent ses rameaux : imputrescibilité, densité, résistance d’où une forme d’idée de transmission au-delà de la putréfaction ; signe de reconnaissance et de renaissance, signe des secrets des Maîtres Maçons : « L’acacia m’est connu » ; sous son feuillage toujours vert même en plein désert, (« exempt de méchanceté » en grec), la connaissance repose sous son ombre.
Il est présent dans de très nombreuses traditions : L’Arche d’Alliance est de bois d’acacia, comme la couronne d’épines du Christ ; le rhombe africain est de son bois, le feu sacré des védas fait d’un disque d’acacia frictionné par un bâton de figuier ; la louche sacrificielle de Brahma est en bois d’acacia (1).
Initiation aux choses secrètes, transmission au-delà de nos corps d’apparition.
Il alimente les feux sacrés en Inde où il érige des temples ; chez les Berbères du Moyen Atlas, il éloigne les djinns ; on place dans tout le Moyen Orient un morceau de bois d’acacia dans les plis de son turban pour tenir à distance les puissances maléfiques. Les gommes d’acacia servent à la fabrication de l’encens. (2)
Il peut être difficile de travailler avec l’acacia mais la persistance et l’honnêteté accompagnent le bois de cet arbre, qualités précieuses du bon artisan. Rêver d’acacia signifie que le bonheur pourrait être éphémère. Rêver de cueillir des gousses d’acacia signifie que vous avez un bon ami loyal. (3)
L’acacia est la fleur de l’initiation et de l’innocence (emblème de Nith que les anciens grecs associaient à Athena) ; Abraham en planta un bosquet à Beer Sheba (Genèse 21 ; 33) en invoquant le nom de Dieu. Arbre de vie dans la Bible et le Coran (Sourate 56 27-33)
Selon William Hutchinson (1732-1814) le nom « Acacians » signifie Francs-Maçons. (4)
Plus près de nous, des travaux de chercheurs ont révélé que certains végétaux, et en particulier l’acacia, ont la faculté d’émettre des signaux silencieux lorsque leurs rameaux sont agressés prévenant ainsi sur un mode « neuronal » de transmission d’informations l’arbre qui émet alors un signal d’alerte, émettant une toxine repoussant les prédateurs ; délicieuses quelques heures plus tôt, les feuilles d’acacia vont empoisonner les antilopes et girafes venues les dévorer..(5)
Le second, issu de l’eau, et dont la fleur toute de grâce légère et de pureté s’élève au-dessus de l’eau (la seule plante qui ait cette qualité contrairement aux nénuphars qui restent à la surface) évoque l’absence de souillure et l’accomplissement ; déjà dans la Chine ancienne, il représentait la pureté et l’élégance ; plante sacrée de l’Inde des Maharadjas à l’Egypte des Pharaons, le lotus est un symbole divin dans l’hindouisme associé aux dieux Vishnu « celui à l’œil de lotus », Brahma et les déesses Lakshmi et Sarasvati ; le Bouddha y est représenté en assise méditative sur ses pétales épanouies, il sème des fleurs de lotus sous chacun de ses pas ; dans ces panthéons, nombre de divinités siègent sur une fleur de lotus évoquant pureté du corps et de l’âme s’élevant au-dessus des éléments, fertilité, longévité et immortalité (du fait de la durée germinative très longue de ses graines).
Le lotus dans ses racines cachées aux regards non initiés puise sa sève vitale dans la boue du marais, et de sa puanteur putride transforme, plante alchimique, les souffrances, contrariétés, tourments et déconvenues en autant d’occasions de pratique et d’éveil.
Au Sud de New Delhi, le Temple du Lotus, monument ouvert à toutes les croyances et religions, surtout dédié à la méditation est une œuvre architecturale en forme de lotus commandée par la communauté baha’ie, et réalisée par l’architecte iranien Fariborz Sahba en 1986.
De nombreux hiéroglyphes égyptiens figurent sur les chapiteaux qui soutiennent les temples et sur une multitude de fresques ; sur les tombeaux, le lotus symbolise la renaissance, la réincarnation, du fait que ses fleurs peuvent se renouveler au petit matin après s’être fanées durant l’obscurité de la nuit.
La position du Lotus est le fondement de la posture (« la posture exclut l’imposture » selon les mots du maître zen Jacques Labrosse également naturaliste distingué), avec les jambes croisées l’une sur l’autre, les genoux s’ouvrant tels sa fleur, et sa tige verticale tel le dos du pratiquant depuis les plus anciens yogis de l’Inde. Kamal et Kamala vieux prénoms indiens, signifient en Hindi « Lotus » et par extension une promesse spirituelle bienveillante.
Par la richesse et la puissance évocatrice de ces deux végétaux, on ne manque pas d’être frappé par l’éclair lumineux qui s’est abattu sur les fondateurs de la Fraternelle « L’Acacia & le Lotus » en se dotant de ce magnifique titre distinctif. Qu’il leur soit ici rendu hommage.
Texte écrit à la mémoire de notre B∴A∴F∴ Jean-Pierre SCHNETZLER par Jean-Marc Tenryu BAZY. Décembre 2021
(1) Dictionnaire des symboles (Ed. Robert Laffont 1969 ; édition revue et corrigée 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant.
(2) L’encyclopédie des herbes magiques Editions Sand 1987) de Scott Cunningham
(3) Le livre des superstitions, mythes, croyances et légendes (Ed. Robert Laffont 1995 réédition 2019) Eloïse Mozzani
(4) Article tiré de https://www.ledifice.net/7067-2html du 12 Novembre 2007
(5) La symphonie du vivant, comment l’épigénétique va changer votre vie (Ed. Les liens qui libèrent 2018) Joël de Rosnay.
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